[Récit] Rébellion

Estherna

L'elfe regardait la carte des Tarides étalée devant elle, à même le sol. Assise en tailleur, elle prenait des notes et murmurait des remarques en Thalassien. La tâche qu'on lui avait confié serait difficile, voire impossible, mais, elle se dit en souriant, ce ne serait pas la première fois.

Le petit camp de base que sa troupe avait installé sur une des éminences des Tarides bruissait d'activités dans les premières lueurs du jour. Certains rentraient de la patrouille nocturne, où ils avaient harcelés les troupes kor'kronnes, tandis que d'autres se préparaient à partir. Soupirant, Estherna se rendit compte qu'elle avait encore veillé, mais elle ne pouvait tout simplement pas encore se reposer. Se levant difficilement, elle sortit dans le petit matin.

La petite trentaine de soldats venus de toutes les races de la Horde la saluèrent mollement. Beaucoup étaient des mercenaires, certains des amis fidèles avec qui elle avait traversé des épreuves. A la marmite bouillonnante, une jeune trollesse distribuait la pitance d'un air maussade. Quant ce fut au tour de l'elfe, la cuisinière lui maugréa :

"Quant est-ce qu'on passe à l'action ?
- Patience Vesh'ma. Patience.
- La patience suffit pas à moi. Moi je veux me battwe !"

Souriante, Estherna hocha  la tête puis repartit, son bol de soupe à la main, vers sa tente. Quant elle y fut entrée, elle y trouva un orc à l'air âgé, à la peau brune, dont les habits ne laissaient aucun doute sur ses fonctions.

"Ghorgh ?
- Madame.
- Un problème ?
- Les éléments hurlent. Le vent crie sa douleur. La terre est brisée. Le feu se tord. L'eau est réduite en esclavage.
- Les Kor'krons... ils exploitent les éléments.
- Il faut les arrêter.
- Patience. Les renforts seront bientôt là. Et le dernier acte sera écrit.
- Je ne pourrais pas vous aider de mon maximum si les éléments sont soumis Madame.
- Tant que vous êtes à mes côtés, je serai heureuse. Nous tiendrons la Furie-du-Sud ensemble, quoiqu'il en coûte. Les forces Kor'kronnes des Tarides n'entreront pas dans Orgrimmar.
- Puissent les éléments vous entendre. Je dois prendre congé.
- Je vous en prie".

Attendant que le chaman sorte, Estherna revint à son travail, buvant la soupe distraitement. Le plan était simple : une ligne de guerriers face au pont, des pièges et des explosifs placés à des endroits stratégiques, et résister à la tempête qui déferlerait sur eux.

Regardant la liste des soldats, elle se dit qu'elle n'aurait pas assez de monde. Certes, elle avait pu recruter cette petite troupe de la Croisade d'Argent quelques jours plus tôt, mais ça ne suffirait peut être pas. Finissant sa soupe, elle se leva, s'étira, puis ressortit, détachant les rênes de sa monture, une wyverne portant les marques de la Horde d'un coté, de Lune d'Argent de l'autre.

"Vous allez où ? demanda la trollesse avec son accent typique
- A Reflet-de-Lune, pour tenter d'obtenir un peu d'aide de la part des druides.
- D'accowd. Quant est-ce que le capitaine Vent-Cinglant doit wentwew ?
- La Veuve doit être partie de Lune d'Argent avec les renforts et son chargement il y a deux semaines. Elle arrivera d'ici une semaine ou deux, si la météo reste bonne.
- D'accowd. On doit faiwe cette wevanche de ce jeu de cawtes !
- Si j'étais vous, j'éviterais de jouer avec le Capitaine. Je rentrerai d'ici un ou deux jours. Continuez à suivre les ordres !
- Bien"

Et l'elfe s'envola vers le Nord, à pleine vitesse mais près du sol pour éviter les patrouilles kor'kronnes.

Juerg

D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, Juerg avait toujours aimé la mer. Même avant la guerre, avant la peste, avant la non-vie. Etre sur un navire était la seule chose qui la rendait heureuse, et elle ne s'imaginait pas ailleurs que sur le pont de la Veuve de Lordaeron.

La traversée depuis Kalimdor avait été tranquille. Oh, il y avait bien entendu eu une tempête à l'approche du Maëlstrom, et plusieurs fois des voiles hostiles s'étaient profilées à l'horizon, mais que pouvaient ces capitaines face à l'expérience de quelqu'un qui naviguait sur ces mers depuis si longtemps ?

Dirigeant tranquillement le navire, elle repensait aux événements de ces derniers mois. Elle travaillait maintenant depuis deux ans sous les ordres de la Commandante Chante-Soleil, et cette dernière n'avait jamais rien fait qui lui permette de douter du bien fondé de ses actions. Cependant, récemment, la guerre civile qui venait d'éclater au sein de la Horde la mettait mal à l'aise face aux actions de sa supérieure. Déjà, elle n'aimait que moyennement combattre ceux qu'elle pensait être ses alliés. Elle l'avait déjà fait une fois, contrainte par une volonté supérieure, et elle n'avait que moyennement envie de recommencer. Et d'autre part, la Commandante semblait avoir des secrets sur ses agissements, ce qui était une première.

Considérant un instant le pont, elle observa les soldats qu'elle avait récupéré à Lune d'Argent, en même temps qu'une livraison de caisses fermées commandé par Estherna. Les soldats semblaient détendus, mais leur maintien trahissait leur éducation militaire et leur professionnalisme. Ces hommes étaient ceux de la Commandante Tyeplerincar, une membre de la Croisade d'Argent qui avait accepté de rejoindre Estherna dans son projet pour les Tarides et le siège. Se demandant encore une fois si tout ceci était bien sage, Juerg siffla pour appeler son second, un réprouvé borgne du nom de Night.

"Oui Capitaine ? dit ce dernier
- Prenez la barre, je vais m'occuper de planifier la fin du voyage.
- Vous pensez toujours que nous arriverons dans une semaine ? J'ai hâte d'y être.
- Oh je n'en doute pas. Je n'en doute pas." répondit Juerg sans sourire. Puis, d'un pas lent, elle redescendit vers sa cabine, quant un des soldats cria :

"Il y a quelqu'un qui se rapproche !"

Morphéa

Le soleil se couchait, il était temps. Une poignée de ses hommes étaient déjà à bord pour ... escorter la marchandise sur demande. Elle avait choisis les hommes en qui elle avait le plus confiance, et qui avait les meilleurs résultats en service. Il ne failliraient pas. Le trajet était en grande partie effectué, il ne restait que quelques jours de voyage. Morphéa volait en direction du Norfendre sur le dos de Zéphyr, elle aurait besoin de ses forces plus tard, autant les économiser pour l'instant. Au bout de plusieurs heures, presque au petit matin, elle vit un bateau au loin, probablement le bateau qu'elle cherchait, au vu du pavillon qui flottait en haut du mat. Le navire du Capitaine Juerg Vent-Cinglant. Elle mis plusieurs minutes à arriver jusqu'à lui, et Zéphyr atterrit à son bord avec aisance, bien plus qu'elle n'en avait elle-même sur la mer. Elle posa le pied sur la proue, se maintenant à son ami pour garder l'équilibre que les vagues s'empressait de vouloir lui voler. Ici et là, elle voyait quelques uns de ses hommes, les saluant en souriant, ravie de les voir en si bonne santé. Elle ne saurait le rester elle-même en naviguant sur un bateau plusieurs semaines. Elle descendit sur le pont inférieur, là où était la plus part de ses hommes, et la Capitaine du navire. Elle entra dans la pièce de commandement en frappant sur le pas de la porte.

« Capitaine, je suis enfin arrivée à bord. Dit-elle en s'inclinant. Nous ne sommes qu'à quelques heures de vol de la côte.

-Commandante Tyeplerincar, vous êtes enfin arrivée.
-Je ne dirais pas que je suis ravie d'être à bord, mais revoir mes hommes en bonne santé fait plaisir. Le voyage n'est pas trop dur ?
-Oh, nous avons connu pire condition.
-Bien. Et bien je vais faire un tour sur votre navire et m'installer pour la fin du trajet.

Morphéa partit s'installer avec ses hommes dans la soute. Elle discuta de longues heures avec eux, n'ayant eu une telle occasion depuis fort longtemps. L'un venait d'avoir une fille, un autre venait de se marier, et un autre favorisait les aventures d'un soir. Ils avaient débouché une bonne bouteille de vin de Dalaran, et passèrent une nuit courte après maints fous rires et histoires.
Le lendemain, la mer était déchaînée, mais pas dangereuse, comme pour les emmener plus vite à leur destination, comme si elle savait que ce qu'ils faisaient était la chose à faire.
Morphéa monta sur le pont supérieur et vit le large, le bateau tanguait et elle était très mal à l'aise avec cela. Elle s'accrochait comme elle le pouvait aux abords du bateau en faisant une tête qui en disait long sur ses sentiments d'aisance ici. Un de ses hommes arriva vers elle en lui souriant, puis tendit sa main afin qu'elle prenne appuis dessus.

-Commandante, venez, vous serez plus à votre aise de ce coté.
-Il l'emmena à la proue.
-Regardez au loin, vous vous sentirez mieux ensuite.
-Merci Sergent Fael. Vous avez l'air bien plus expérimenté que moi à naviguer.
-Mon père m'emmenait lorsque j'étais petit, il faisait parti d'un équipage d'Hurlevent.
-Je comprends mieux alors. J'appliquerais vos conseils à la lettre.
-Si vous le permettez, je retourne à mon poste, je vennais prendre l'air, mais je suis affecté à la surveillance de notre « paquet ».
-Je vous en prie, faites. Dit-elle en inclinant la tête, ce qu'il fit également avant de partir.

Morphéa appliqua les conseils de son sergent, ce qui soulagea légèrement la dureté de son voyage. Et, pendant qu'elle scrutait l'horizon, elle aperçut quelque chose. Ce qu'elle voyait signifiait une bataille imminente, bientot ils devraient se battre pour leurs vie, mais aussi pour défendre ce monde qui est le leur. Enfin elle voyait autre chose que la mer à perte de vue. Enfin elle voyait Azeroth.  

Estherna

L'elfe volait bas au dessus des Tarides, alors que le soleil dardait de ses derniers rayons les terres en contrebas. L'entrevue à Reflet-de-Lune n'avait pas été fructueuse, et les druides ne se joindraient pas à leur projet. C'était un problème, mais pas un obstacle insurmontable. Elle pourrait toujours y envoyer les soldats blessés après la bataille, en se servant de quelques tours pour les stabiliser. Ca ne lui plaisait qu'à moitié, mais si elle devait le faire...

En dessous d'elle, elle aperçut les reflets métalliques d'un des bâtiments kor'krons mis en place pour soutenir l'effort de guerre de Garrosh. Ses occupants semblaient concentrer sur une tâche particulière, sans doute la préparation de ressources, et ne prêtèrent pas attention au faucon-dragon qui s'éloignait déjà à pleine vitesse. La guerre atteindrait bientôt son point culminant, et toutes les parties au conflit se préparaient de leur mieux.

Arrivant enfin à son camp, Estherna fit se poser sa monture, avant d'en descendre et d'en confier les rênes à un des écuyers. Vesh'ma, la trollesse vint l'accueillir en souriant :

"Votwe voyage s'est bien passé ?
- Le voyage oui, mais la visite non. Ils ne nous aideront pas. Du nouveau de votre coté ?
- La Veuve a du wetawd. On diwait qu'ils ont eu des pwoblèmes en mew...
- Mmh... à moins que les nagas n'aient lancés une offensive générale, ce qui ne semble pas être le cas, il n'y a pas grand chose sur l'océan de plus dangereux que Juerg.
- Si vous le dites. Vous voulez mangew ?
- Oui, avec plaisir. Quelque chose de léger, je ne me sens pas très bien aujourd'hui.
- Bien Madame".

Rentrant dans sa tente, Estherna entrepris d'enlever son armure qu'elle jeta en tas dans un coin, avant d'enfiler une chemise et un pantalon fraîchement lavés. S'affalant dans une chaise, elle se tint la tête un instant, comme étourdie, puis, réprimant un baillement, elle tira sur la chaîne qu'elle avait autour du cou, pour révéler un anneau de métal noir orné d'un rubis qui luisait faiblement et qui y était accroché.

"Ca devient de plus en plus dur à porter.... Je me demande comment les autres se débrouillent avec ça..."

Juerg
La réprouvée était enfermée dans sa cabine depuis le milieu de l’après midi. Les conditions climatiques aux abords de Kalimdor étaient encore plus perturbées que ce qu’Estherna lui avait dit. Elle ignorait ce que les chamans kor’krons fabriquaient, mais ça ne pouvait être bon. Calculant encore une fois une route qu’elle avait distinguée dans les courants et les vents contraires, elle ajusta un peu mieux certains paramètres, avant de se relever, satisfaite du résultat. Griffonnant quelques instructions sur un morceau de papier, elle sortit pour rejoindre le château arrière où se trouvait la barre. Là, elle prit le gouvernail des mains de l’officier de quart, et entrepris de faire virer le navire de 20 degrés vers le Nord, offrant aux voiles une meilleure prise au vent.

Celles-ci se gonflèrent doucement et le navire accéléra progressivement, tandis que Juerg rendait la barre à l’officier, tout en lui tendant le papier qu’elle avait préparé :

« Continuez comme ça pendant 2 heures, puis virez de 15 degrés au Sud pendant 3 heures. A partir de là, nous devrions être dans un courant favorable qui nous amènera tout droit à Cabestan
- Bien Capitaine ! » lui répondit l’officier, un jeune sin’dorei d’à peine 20 printemps mais tellement passionné par la mer.

Sans rien ajouter, Juerg se dirigea vers le château avant, et contempla Kalimdor qui se devinait dans le lointain. Le soleil commençait à se lever à l’Ouest, mais ses rayons n’étaient pas encore parvenus jusqu’au continent. Humant l’air, Juerg constata une nouvelle fois qu’elle ne percevait plus toutes les subtilités des odeurs marines comme avant. Maudissant une nouvelle fois Arthas pour son état, elle se prépara à revenir dans sa cabine pour affiner sa course quant la vigie se mit à crier :

« Navire ennemi à tribord ! »

Prenant sa longue vue, le capitaine scruta la direction indiquée et trouva rapidement l’énorme juggernaut orc qui fonçait sur eux à pleine vitesse, contre les vents et les courants. Jurant contre les chamans kor’krons qui tordaient les éléments à leur guise, Juerg cria tout en se précipitant pour reprendre la barre :

« Tout le monde à ses postes de combat ! Armez les canons et arrimez ce qui ne l’est déjà pas. Night, ouvrez l’armurerie et distribuez les armes. S’ils croient avoir affaire à une proie facile, ils vont être reçus ! »

Puis, souriante, elle fit pivoter le navire pour foncer sur l’ennemi.